La sécurité publique est au cœur des préoccupations des citoyens et des élus locaux. Les collectivités territoriales jouent un rôle crucial dans ce domaine, en complémentarité avec l'État. Elles disposent de compétences étendues et mettent en œuvre de nombreux dispositifs pour assurer la tranquillité publique au plus près du terrain. De la prévention à la répression, en passant par la médiation et l'aménagement urbain, les municipalités et intercommunalités mobilisent une large palette d'outils pour répondre aux enjeux de sécurité. Cette implication croissante des pouvoirs locaux soulève également des questions sur l'articulation avec les forces de l'ordre nationales et les moyens alloués. Examinons en détail comment les collectivités territoriales contribuent concrètement à la sécurité publique au quotidien.
Cadre juridique des compétences des collectivités en matière de sécurité
Le maire dispose de pouvoirs de police administrative générale en vertu du Code général des collectivités territoriales. Il est chargé d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques sur le territoire de sa commune. Ces prérogatives s'exercent sous le contrôle administratif du préfet. Le maire peut notamment prendre des arrêtés municipaux pour réglementer diverses activités susceptibles de troubler l'ordre public.
En parallèle, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a renforcé le rôle des maires dans ce domaine. Elle les positionne comme pilotes et coordinateurs des politiques locales de prévention, en lien avec les services de l'État et les acteurs associatifs. Cette loi a également créé de nouveaux outils à disposition des édiles, comme le rappel à l'ordre ou les conseils pour les droits et devoirs des familles.
Les intercommunalités peuvent également se voir transférer certaines compétences en matière de sécurité, notamment la création et la gestion d'une police municipale intercommunale. Le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) exerce alors les prérogatives normalement dévolues au maire dans ce domaine.
La sécurité est une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales, dans une logique de coproduction qui vise à mobiliser l'ensemble des acteurs concernés.
Il convient de souligner que les pouvoirs des collectivités en matière de sécurité s'inscrivent dans un cadre juridique précis, défini notamment par le Code de la sécurité intérieure. Ce dernier fixe les missions et l'organisation des différentes forces de sécurité, y compris les polices municipales. Il encadre également la mise en œuvre de dispositifs comme la vidéoprotection.
Dispositifs de prévention et de médiation mis en place par les municipalités
Les collectivités territoriales déploient une large gamme d'outils pour prévenir la délinquance et favoriser la tranquillité publique. Ces dispositifs visent à agir en amont des problèmes, par une approche globale associant répression, prévention et médiation. Ils s'appuient sur un partenariat étroit entre les différents acteurs locaux concernés.
Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD)
Le CLSPD constitue l'instance centrale de concertation sur les priorités de lutte contre l'insécurité au niveau communal ou intercommunal. Présidé par le maire, il réunit l'ensemble des acteurs prenant part à l'application des politiques de sécurité et de prévention : services de l'État, Justice, Éducation nationale, bailleurs sociaux, transporteurs, associations, etc. Le CLSPD définit les objectifs à atteindre et coordonne l'action des différents intervenants sur le territoire.
Les CLSPD permettent d'élaborer une stratégie territoriale de sécurité adaptée aux spécificités locales. Ils favorisent l'échange d'informations entre partenaires et le suivi des actions mises en œuvre. Leur fonctionnement s'appuie généralement sur des groupes de travail thématiques (prévention de la récidive, tranquillité publique, aide aux victimes...) et des cellules de veille sur des problématiques ciblées.
Contrats locaux de sécurité (CLS) et stratégies territoriales
Les contrats locaux de sécurité formalisent les engagements des différents partenaires dans le cadre d'un programme d'actions pluriannuel. Ils déclinent de manière opérationnelle les orientations définies au sein du CLSPD. Les CLS permettent de mobiliser des moyens humains et financiers autour d'objectifs partagés, comme la lutte contre les cambriolages ou les violences intrafamiliales.
Plus récemment, de nombreuses collectivités ont élaboré des stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance. Ces documents fixent les priorités d'action sur 3 à 5 ans, en cohérence avec la stratégie nationale. Ils s'appuient sur un diagnostic local de sécurité et définissent des indicateurs de suivi pour évaluer les résultats obtenus.
Médiateurs sociaux et agents de tranquillité publique
De nombreuses municipalités ont recruté des médiateurs sociaux pour intervenir sur l'espace public et dans les quartiers sensibles. Ces agents assurent une présence de proximité et jouent un rôle de facilitateurs dans la résolution des petits conflits du quotidien. Ils orientent également les habitants vers les services compétents en fonction de leurs besoins.
Certaines villes ont aussi mis en place des équipes d'agents de tranquillité publique, parfois appelés ASVP (agents de surveillance de la voie publique). Moins coûteux que des policiers municipaux, ces agents en tenue assurent des missions de surveillance générale et de prévention. Ils peuvent notamment verbaliser certaines infractions comme le stationnement gênant.
Programmes de réussite éducative et prévention de la radicalisation
Les collectivités s'impliquent fortement dans les dispositifs de réussite éducative, qui visent à prévenir le décrochage scolaire et les comportements à risque chez les jeunes. Ces programmes proposent un accompagnement individualisé aux enfants en difficulté et à leurs familles, en mobilisant différents professionnels (enseignants, éducateurs, psychologues...).
Face à la menace terroriste, de nombreuses villes ont également mis en place des cellules de prévention de la radicalisation. Ces instances pluridisciplinaires assurent un suivi des situations préoccupantes signalées sur le territoire, en lien avec les services de l'État. Elles développent aussi des actions de sensibilisation auprès des acteurs locaux et du grand public.
Police municipale : missions, pouvoirs et coordination avec les forces nationales
La police municipale constitue le bras armé des maires en matière de sécurité publique. Ces forces de proximité jouent un rôle croissant dans le maintien de l'ordre au niveau local, en complémentarité avec la police et la gendarmerie nationales. Leurs missions et prérogatives se sont étendues ces dernières années, soulevant des débats sur leur positionnement.
Statut et prérogatives des agents de police municipale
Les policiers municipaux sont des fonctionnaires territoriaux placés sous l'autorité du maire. Ils exercent des missions de police administrative et judiciaire, dans la limite des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi. Leurs principales attributions concernent :
- La surveillance générale de la voie publique
- Le respect des arrêtés municipaux
- La sécurité routière et le stationnement
- La prévention de proximité
- L'assistance aux personnes
Les policiers municipaux peuvent constater par procès-verbal de nombreuses infractions, notamment en matière de circulation routière. Ils disposent de certains pouvoirs de police judiciaire, comme le contrôle d'identité ou la rétention du permis de conduire. Toutefois, leurs prérogatives restent plus limitées que celles des forces de l'ordre nationales.
Armement et formation des policiers municipaux
La question de l'armement des polices municipales fait l'objet de débats récurrents. Actuellement, environ 55% des agents sont armés, principalement avec des revolvers ou des pistolets semi-automatiques. L'armement est soumis à l'autorisation du préfet et conditionné à une formation spécifique. Certaines municipalités font le choix d'équiper leurs agents d'armes non létales comme les pistolets à impulsion électrique.
La formation initiale et continue des policiers municipaux a été renforcée ces dernières années. Elle comprend désormais des modules sur la déontologie, les techniques d'intervention ou encore la gestion des conflits. Des formations communes avec la police nationale sont également organisées pour favoriser l'interopérabilité entre les forces.
Convention de coordination police municipale-police nationale/gendarmerie
La loi impose la signature d'une convention de coordination entre le maire, le préfet et le procureur de la République dès lors que la police municipale compte au moins 5 agents. Ce document précise la nature et les lieux des interventions des policiers municipaux, ainsi que les modalités de coordination avec les forces de sécurité de l'État.
La convention définit notamment la répartition des missions entre police municipale et forces nationales sur le territoire communal. Elle peut par exemple prévoir que la police municipale assure la surveillance des sorties d'écoles ou la sécurisation de certains événements. L'objectif est d'optimiser l'emploi des effectifs et d'éviter les doublons.
Systèmes d'information partagés (PVPC, LAPI)
Pour améliorer la coordination opérationnelle, des outils d'échange d'informations ont été mis en place entre polices municipales et forces nationales. Le procès-verbal électronique (PVe) permet par exemple aux agents municipaux de transmettre directement leurs contraventions au Centre national de traitement.
Certaines polices municipales ont également accès au fichier des personnes recherchées ou au système d'immatriculation des véhicules. Des expérimentations sont menées sur le partage de données issues des dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI). Ces outils visent à renforcer l'efficacité des contrôles sur la voie publique.
Vidéoprotection et technologies de sécurité urbaine
Les collectivités territoriales ont massivement investi dans les technologies de sécurité ces dernières années, au premier rang desquelles la vidéoprotection. Ces outils soulèvent des questions en termes d'efficacité et de respect des libertés individuelles. Leur déploiement s'inscrit dans une approche globale de sécurisation de l'espace public.
Cadre légal et procédures d'installation des caméras
L'installation de caméras de vidéoprotection sur la voie publique est encadrée par le Code de la sécurité intérieure. Elle est soumise à autorisation préfectorale, après avis d'une commission départementale. La demande doit préciser les finalités du dispositif, les lieux d'implantation des caméras et les modalités d'information du public.
Les images ne peuvent être conservées plus d'un mois, sauf dans le cadre d'une enquête. L'accès aux enregistrements est strictement limité aux personnes habilitées. Les citoyens disposent d'un droit d'accès aux images les concernant. Le non-respect de ces règles est passible de sanctions pénales.
Centres de supervision urbains (CSU) et exploitation des images
De nombreuses villes ont créé des centres de supervision urbains pour centraliser l'exploitation des caméras. Ces structures fonctionnent généralement 24h/24 et 7j/7, avec des opérateurs formés qui visionnent les écrans en temps réel. Les CSU peuvent être reliés directement aux postes de police municipale et nationale pour faciliter les interventions.
L'exploitation des images s'effectue dans un cadre juridique précis. Les opérateurs sont tenus au secret professionnel et ne peuvent filmer l'intérieur des habitations. Les enregistrements peuvent être utilisés pour élucider des infractions, mais aussi à des fins de prévention (repérage de comportements suspects, gestion des flux lors d'événements...).
Innovations technologiques : drones, capteurs sonores, logiciels prédictifs
Au-delà de la vidéoprotection classique, les collectivités expérimentent de nouvelles technologies de sécurité. L'utilisation de drones se développe notamment pour la surveillance de grands événements ou de zones difficiles d'accès. Des capteurs sonores sont testés pour détecter automatiquement certains bruits suspects (coups de feu, cris...).
Certaines villes s'intéressent également aux logiciels d'analyse prédictive, qui visent à anticiper les zones et horaires à risque en se basant sur l'historique des faits constatés. Ces outils soulèvent toutefois des interrogations éthiques et leur efficacité reste à démontrer sur le long terme.
L'enjeu pour les collectivités est de trouver le juste équilibre entre sécurité et respect des libertés individuelles dans l'usage des nouvelles technologies.
Aménagement urbain et prévention situationnelle
L'aménagement de l'espace public joue un rôle important dans la prévention de la délinquance et le sentiment de sécurité. Les collectivités intègrent de plus en plus cette dimension dans leurs projets urbains, en s'appuyant sur les principes de la prévention situationnelle. Cette approche vise à réduire les opportunités de passage à l'acte délictueux par des choix d'aménagement adaptés.
Principes de l'urbanisme sécuritaire et études de sûreté
L'urbanisme sécuritaire repose sur plusieurs grands principes :
- La surveillance naturelle (visibilité, éclairage)
- Le contrôle des accès
- La territorialité (appropriation de l'espace par les usagers)
- La
Ces principes sont mis en œuvre dès la conception des projets urbains, à travers des études de sûreté et de sécurité publique. Ces études, obligatoires pour certaines opérations d'aménagement, analysent les risques potentiels et proposent des mesures pour y remédier. Elles associent urbanistes, architectes et spécialistes de la sécurité.
Éclairage public intelligent et mobilier urbain anti-délinquance
L'éclairage public joue un rôle essentiel dans le sentiment de sécurité. De nombreuses collectivités optent désormais pour des systèmes d'éclairage intelligent, qui s'adaptent à la présence humaine. Ces dispositifs permettent d'optimiser la consommation énergétique tout en assurant un éclairage suffisant aux endroits stratégiques.
Le choix du mobilier urbain participe également à la sécurisation de l'espace public. Certaines villes installent par exemple des bancs anti-SDF pour lutter contre les occupations abusives. D'autres misent sur des aménagements favorisant la convivialité et l'appropriation positive des lieux par les habitants.
Sécurisation des espaces publics face à la menace terroriste
Suite aux attentats de ces dernières années, les collectivités ont dû adapter leurs aménagements pour mieux protéger les espaces publics. Des obstacles anti-véhicules béliers (bornes, jardinières renforcées) sont installés aux abords des zones piétonnes et des lieux sensibles. La vidéoprotection est renforcée sur les sites touristiques et lors des grands événements.
Ces dispositifs doivent cependant être conçus de manière à préserver la qualité paysagère et l'accessibilité des espaces publics. L'enjeu est de concilier sécurité et convivialité, sans tomber dans une logique de bunkerisation excessive.
Financement et évaluation des politiques locales de sécurité
La mise en œuvre des politiques locales de sécurité nécessite des moyens financiers importants. Les collectivités peuvent s'appuyer sur différentes sources de financement, tout en veillant à évaluer l'efficacité des dispositifs déployés.
Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)
Le FIPD constitue la principale source de financement étatique pour les actions locales de prévention. Géré par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), ce fonds soutient notamment :
- Les dispositifs de vidéoprotection
- Les postes d'intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie
- Les actions de prévention de la radicalisation
- Les programmes de réussite éducative
Les collectivités peuvent solliciter des subventions du FIPD dans le cadre d'appels à projets annuels. Le montant alloué dépend de la nature des actions et de leur cohérence avec les orientations nationales.
Dotations spécifiques et contractualisation état-collectivités
Certaines dotations de l'État intègrent une dimension sécurité, comme la dotation politique de la ville (DPV) qui peut financer des équipements de police municipale. Des contrats spécifiques permettent également de mobiliser des crédits, à l'instar des contrats de ville qui comportent un volet prévention/sécurité.
La contractualisation avec l'État se développe, notamment à travers les contrats de sécurité intégrée (CSI). Ces documents formalisent les engagements réciproques de l'État et des collectivités en matière de sécurité sur un territoire donné.
Observatoires locaux de la délinquance et diagnostic de sécurité
De nombreuses collectivités ont mis en place des observatoires locaux de la délinquance et de la tranquillité publique. Ces structures collectent et analysent les données relatives à l'insécurité sur le territoire (statistiques policières, remontées des bailleurs sociaux, enquêtes de victimation...). Elles permettent d'objectiver les phénomènes et d'orienter les politiques locales.
Ces observatoires contribuent à l'élaboration des diagnostics locaux de sécurité, qui constituent un préalable indispensable à la définition d'une stratégie territoriale. Le diagnostic permet d'identifier les problématiques prioritaires et les ressources mobilisables pour y répondre.
Indicateurs de performance et benchmarking des dispositifs
L'évaluation des politiques locales de sécurité s'appuie sur différents indicateurs de performance. Ceux-ci peuvent être quantitatifs (évolution des faits constatés, taux d'élucidation...) ou qualitatifs (enquêtes de satisfaction, focus groups...). L'enjeu est de mesurer l'impact réel des actions menées, au-delà des simples statistiques de la délinquance.
Le benchmarking entre collectivités se développe pour comparer l'efficacité des dispositifs. Des réseaux d'échange de bonnes pratiques se structurent, comme le Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Ces démarches permettent de capitaliser sur les expériences réussies et d'optimiser l'utilisation des ressources.
L'évaluation des politiques locales de sécurité reste un exercice complexe, qui doit prendre en compte une multiplicité de facteurs. Elle constitue néanmoins un outil indispensable pour ajuster les stratégies et justifier les investissements réalisés.